Vous savez, mon jardin est spécial, il est tout petit et je l’entretiens avec beaucoup
d’amour. On y trouve des fleurs, tout au long de l’année : des multicolores, des jaunes,
des blanches, des bleues, des rouges... Elles sont magnifiques !
Est-il magique, vous demanderez-vous, pour être autant fleuri malgré la chaleur, le
froid, le vent ou la pluie ?
Il doit être gai, me direz-vous pour être si agréable à l’œil et, même, certainement
immense pour que l’on puisse y faire pousser autant de variétés de plantes fleuries ?
Et, pourtant, il n’en est rien.
Magique ? Non, mais il est souvent visité, c’est tout.
Gai ? C’est tout le contraire.
Agréable à regarder ? On ne peut vraiment pas le penser.
Quant à ses dimensions : 50 cm de côté, il est à peine plus grand qu’une jardinière.
Mais alors, qu’a-t-il donc de si extraordinaire, ce petit jardin ?
Peut-être parce que, tous les matins, sans exception, des gouttes de rosée perlent
sur chacune de ses fleurs. Peut-être aussi parce que cette rosée a un goût salé, le goût
des larmes de son jardinier, le goût de mes larmes.
Vous l’avez peut être déjà compris : ce petit jardin extraordinaire, cet endroit si spécial,
c’est la tombe où repose mon fils Benjamin.
Savez-vous ce que je ressens, à chaque fois que je viens lui dire bonjour et me recueillir
près de lui ?
C’est un irrésistible désir d’emmener Benjamin avec moi pour regarder pousser, grandir,
fleurir tous les jardins du monde entier. Le désir de semer avec lui des fleurs de toutes
les couleurs pour offrir au soleil un monumental arc en ciel et puis, les cueillir, avec
lui pour égailler la maison, sa maison !
Hélas, ce n’est plus possible : mon fils est bien là, mais c’est moi qui lui apporte des
fleurs, lui il ne peut plus le faire avec moi.
Mon dieu, qu’elle est salée cette rosée !
Joël